"...La vie de X telle qu’il la raconte induit une sorte de malaise: celui d’assister, impuissant, à la noyade d’un homme qui ne maîtrise en rien son destin. Destin dont il ne soupçonne pas un instant qu’il puisse en être le père et l’artisan. Ces mots qu’il empile, comme autant de remparts contre le sens, ces mots ne sont que trompe-l’oeil. Mirages qui s’évanouissent à notre approche, leur poids n’est qu’apparence." Patrick Declerck (1)

J’ai cherché à représenter ces personnes désocialisés, exclus que l’on croise quotidiennement et qui au fur et à mesure tombent dans une lente agonie vers les abysses de l’âme humaine. En proie à de nombreuses formes d’addiction, leurs odeurs et leurs cris dérangent. Ils nous offrent le triste reflet de notre société du mouvement, de l’indifférence. Nous devenons les spectateurs de leur mort physique et psychique dans les recoins les plus sordides de l’espace public. Le temps, l’espace, la raison (fondement de la conscience selon Kant) disparaissent pour laisser place au temps unique de l’instant qui les protège d’un passé douloureux et d’un futur impensable. Le psychisme se détache petit à petit d’un corps désinvesti, dévitalisé et retourne dans une dernière phase infantile, une membrane foetale avant la mort.

(1)Les Naufragés - Avec les clochards de Paris., Éditions Plon, col. « Terre Humaine », 2001 ; Pocket "Terre Humaine", 2003